La violence et le racisme pèsent sur le Calcio
La Juventus Turin devant ; tous les autres loin derrière. En battant la Fiorentina (1-2), dimanche 4 décembre, à Florence, les Bianconeri ont pris le large en tête du championnat italien de football. Ils disposent désormais de huit points d'avance sur le Milan AC, battu la veille par le Chievo Vérone (1-2).
Mais le résultat le plus encourageant de la rencontre entre la Juventus et la Fiorentina est l'absence d'incidents entre les supporteurs des deux clubs. Ils s'étaient affrontés durement, trois jours plus tôt, dans le même stade, à l'occasion d'un match de Coupe d'Italie. Les forces de l'ordre avaient dû charger à plusieurs reprises. Le stade étant envahi par les gaz lacrymogènes, le match avait été interrompu pendant une demi-heure.
Trois ans après avoir repris le club florentin en faillite, l'industriel de la chaussure de luxe, Diego della Valle, avait averti : "Si des incidents de ce type devaient se reproduire, nous reconsidérerions notre présence dans le football." Le maire de Florence, Leonardo Domenici (centre-gauche), avait aussi menacé de "ne plus concéder le stade municipal pour les matches de football".
Fidèle à son habitude, l'entraîneur de la Juventus, Fabio Capello, a tenté de minimiser les excès : "Si nous ignorons ces messieurs, ils arrêteront de faire ce qu'ils font." Une attitude approuvée par Adriano Galliani, président de la Ligue professionnelle : "Je n'entends pas donner de la publicité à ces choses", a-t-il déclaré.
Les instances italiennes du football n'arrivent pas à éradiquer les débordements du Calcio, préférant laisser aux pouvoirs publics la responsabilité de la sécurité dans les stades. Cette saison, un décret-loi gouvernemental impose l'installation de caméras vidéo à l'intérieur et à proximité des enceintes sportives, ainsi que la vente de billets nominatifs.
Le ministre de l'intérieur, Giuseppe Pisanu, entend apporter ainsi une réponse à un grave précédent : le jet d'engins pyrotechniques sur la pelouse de San Siro, à Milan, pendant le derby Milan AC - Inter, en Ligue des champions, courant avril. Le gardien du Milan AC, Dida, avait été blessé et le match arrêté.
ATMOSPHÈRE DÉLÉTÈRE
C'était le dernier épisode d'une liste peu glorieuse de matches interrompus sous la pression de tifosis violents : AS Rome - Dynamo Kiev en septembre 2004, après que l'arbitre eut été frappé par une pièce lancée des tribunes ; le derby entre l'AS Rome et la Lazio, le 21 mars 2004, après des incidents violents hors du stade ; le match de Coupe de l'UEFA Alavès-Inter, le22 février 2001, victime du déchaînement des ultras italiens alors que l'équipe espagnole menait 2 buts à 0.
En mai de la même année, au cours du match Inter-Atalanta, un
scooter fut lancé depuis les tribunes supérieures de San Siro. Avec le "décret Pisanu", le nombre des incidents est en diminution depuis le début de la saison, mais l'atmosphère délétère qui règne dans les tribunes contribue à la désaffection du public.
Les insultes à caractère raciste restent monnaie courante. Dimanche 27 novembre, le défenseur ivoirien de Messine, Marc Zoro, n'a pas supporté les provocations des tifosis de l'Inter qui accompagnaient chacune de ses actions de cris de singe. Il a saisi le ballon et a tenté de quitter le terrain, risquant ainsi de faire annuler la partie. Retenu par ses coéquipiers et certains de ses adversaires, il a repris le jeu, mais son geste a provoqué un nouvel émoi dans la Péninsule.
"Si j'avais été là, je serais sorti avec lui", a commenté Lilian Thuram, le défenseur français de la Juventus, dimanche 4 décembre, sur TF1. Son coéquipier Patrick Vieira a confirmé que "le racisme est de pire en pire". A la fin de la rencontre à Florence, l'international français s'est dirigé vers des supporteurs de la Fiorentina et leur a signalé, main vers l'oreille, qu'il avait entendu leurs insultes.
En mai, Vérone (Serie B) a été le premier club sanctionné d'un match à huis clos, à cause des injures racistes de ses ultras contre le défenseur sénégalais de Pérouse, Ferdinand Coly.
Jean-Jacques Bozonnet
Article paru dans l'édition du 06.12.05