L’éditorial du président
La répression brutale à Istanbul de la manifestation de femmes du dimanche 6 mars vient nous rappeler que le chemin de la démocratisation est encore long pour la Turquie. Bien sûr les brutalités policières existent aussi à l’intérieur de l’Union Européenne (UE), mais la police et les forces de l’ordre turques bénéficient encore trop souvent d’une impunité lourde de conséquences. Notre combat pour l’entrée de la Turquie dans l’Union doit consister simultanément à convaincre les français et européens de son bien fondé mais aussi à encourager la Turquie dans ses réformes.
Au moment où les organisations féministes turques dénoncent les violences faites aux femmes et que, malheureusement, certains en font ici un argument pour rejeter la Turquie, cet événement a gravement affecté la perception de la volonté de changement d’Ankara par les membres de l’UE. La seule issue honorable pour le gouvernement de Mr Erdogan serait que les responsables soient sanctionnés et ceci le plus rapidement possible. Nous pensons que rien n’est pire que de nier les problèmes, les regarder en face est la première condition indispensable pour les traiter et les résoudre.
Que la Turquie ne soit pas encore prête pour intégrer l’Union n’est pas une découverte, les Turcs eux-mêmes en sont conscients. Mais la perspective de l’adhésion est un moteur qui stimule les changements. Je n’ai pas souvenir qu’à l’entrée de l’Espagne, du Portugal et de la Grèce, on ait ainsi exigé un respect scrupuleux des droits de l’homme de la part des forces de sécurité qui après des années de dictature avaient aussi acquis de biens mauvaises habitudes ! Ces pays n’ont pas remplacé du jour au lendemain l’intégralité de leur personnels par des gens formés aux nouvelles règles, ça c’est fait progressivement, bien après leurs entrées respectives ...
Il faut que l’Europe soit claire sur les règles qu’elle entend imposer aux futurs entrants, à tous les futurs entrants, en évitant toute discrimination, et ne donne pas l’impression, comme c’est le cas pour la Turquie, d’ajouter des nouvelles conditions à chaque fois que des obstacles sont franchis ! Le rejet à priori prôné par les xénophobes et autres souverainistes pourrait avoir des conséquences désastreuses. Certainement que certains d’entre eux pensent et, moins souvent, osent dire que ce n’est pas leur problème ou le problème de l’Europe... Oui il s’agit bien effectivement de la conception que l’on se fait de la construction européenne : Soit un ensemble statique de pays privilégiés qui s’entoure de murs de peur de se perdre en s’ouvrant à ses voisins, soit une association dynamique et de plus en plus forte entre des états qui font le choix délibéré de rejoindre et de propager un système de valeurs à vocation universelle.
Pour revenir à la maltraitance des femmes, le problème est loin d’être spécifique à la Turquie, mais est endémique à tout le pourtour méditerranéen et statistiquement proportionnel au retard économique et à la sous éducation des habitants de certaines régions. L’Espagne vient d’ailleurs d‘adopter une batterie de mesures très fortes, à la mesure du problème dans ses propres frontières, la France, toujours très donneuse de leçons, se refuse encore à adopter un système et surtout les moyens financiers qui permettraient aux femmes victimes de violences d’être mises à l’abri de représailles. Mais partout la solution est dans l’éducation et dans la modification de la perception du rôle de la femme qui est souvent transmis, hélas, de mère en filles et fils. En Turquie, une association nommée Uçan Süpürge (le Balai Volant) fait, parmi d’autres, un travail d’éducation des femmes en allant à leur rencontre dans les villages et quartiers défavorisés. En France, Elele (Main dans la main) fait aussi un remarquable travail sur la communauté turque. Plutôt que de rejeter la Turquie en considérant de problème comme insoluble, L’UE et les associations féministes européennes devraient soutenir et aider financièrement ces initiatives. Le gouvernement turc doit aussi, bien sûr, reconnaître leur utilité publique et leur laisser toute liberté pour agir.
Turquie Européenne malgré cet incident préoccupant, réaffirme plus que jamais son engagement pour l’intégration d’une Turquie respectant les Droits de l’Homme à égalité avec les autres membres de l’Union Européenne.
Reynald Beaufort
Source : http://turquieeuropeenne.org