Crimes de guerre au Liban
«Destruction délibérée ou dommages collatéraux?» L'interrogation figurant en titre du dernier rapport d'Amnesty International1 apparaît vite comme une question purement rhétorique. Car, selon l'ONG basée à Londres, «l'impressionnante confrontation militaire entre le Hezbollah et Israël», du 12 juillet au 14 août dernier, a donné lieu à de nombreux crimes de guerre. Amnesty demande donc l'ouverture «de toute urgence par les Nations Unies d'une enquête exhaustive, indépendante et impartiale sur les violations du droit international humanitaire commises par les deux parties en conflit». Objectif: débusquer les responsables des violations du droit international et accorder des réparations aux victimes.
Il aura donc fallu une dizaine de jours à Amnesty, après le fragile cessez-le-feu, pour rédiger un document d'une vingtaine de pages, qui résume les dégâts causés par les 7000 attaques de l'aviation militaire israélienne et les 2500 bombardements de la marine. En bref: environ 1000 civils tués côté libanais, une quarantaine côté israélien, un million de personnes déplacées, 30000 habitations détruites, de nombreuses infrastructures vitales hors d'usage, telles que ponts, routes, stations hydrauliques, centrales électriques, hôpitaux... Quant au montant évalué des dommages causés, il s'élève à plus de 4 milliards de francs.
Ces chiffres situent l'ampleur du désastre, mais le rapport vaut surtout par l'analyse sans langue de bois de l'ONG. Avec cette conclusion: «La destruction par Israël de milliers d'habitations ainsi que les frappes qui visaient de nombreux ponts et routes et des installations de stockage de l'eau et du carburant faisaient partie intégrante d'une stratégie militaire au Liban et ne constituaient pas des 'dommages collatéraux' résultant de la prise pour cibles légitimes d'objectifs militaires.» Amnesty conteste ainsi les justifications du gouvernement israélien, encore répétées à la sortie du rapport, selon lesquelles le Hezbollah s'est servi des civils comme bouclier humain et que, par conséquent, l'armée n'aurait pas eu d'autre choix que de tirer dans le tas. Or, lit-on dans le rapport, «même si l'utilisation de civils pour se protéger d'une attaque est un crime de guerre, le droit international humanitaire ne décharge pas le camp adverse de ses obligations de protection à l'égard des populations civiles». Pis, selon Amnesty, «des déclarations d'officiers militaires tendent à confirmer que les destructions d'infrastructures étaient réellement un objectif de la campagne militaire». Et que celle-ci s'inscrivait dans «une politique visant à punir tant la population que le gouvernement libanais».
Ainsi, aux yeux d'Amnesty, le gouvernement israélien est coupable de crimes de guerre.
Il s'agit là d'un épisode de plus dans un conflit opposant le Hezbollah et Israël depuis de nombreuses années et durant lequel «les deux belligérants ont commis de graves violations du droit humanitaire international sans jamais rendre des comptes». Les autorités israéliennes ont parfois mené des enquêtes en usant de méthodes ne respectant pas les standards habituels. Alors qu'aucune enquête sur les agissements du Hezbollah par le gouvernement libanais n'est à ce jour connue. D'où l'appel lancé hier par l'ONG londonienne, qui rappelle que les «responsables de crimes à l'encontre des civils sont susceptibles de rendre des comptes n'importe où dans le monde, via l'exercice de la juridiction universelle».
[1]Amnesty International, «Deliberate destruction or collateral dammage? Israeli attacks against civilan infrastructure». Le rapport est disponible à l'adresse: http//web.amnesty.org