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 Oui, la Turquie est européenne

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Süley
Honorable Aventurier du Baklava Envoûtant
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Süley


Nombre de messages : 137
Date d'inscription : 24/03/2005

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MessageSujet: Oui, la Turquie est européenne   Oui, la Turquie est européenne EmptyDim 10 Avr - 18:00

La Turquie en Europe! Physiquement parlant, elle y est depuis 1352 lorsque les Ottomans occupèrent le château-fort de Tzympe près de Gallipolis sur la rive européenne du détroit des Dardanelles. Presque six siècles plus tard en 1915 pendant la Grande Guerre, c'est à ce même endroit que l’Empire ottoman tentait de sauver son existence après avoir progressivement perdu ce qu’il avait conquis depuis, sur le continent européen. Historiquement parlant, les relations entre la Turquie et l’Europe c’est presque mille an de fascination mutuelle difficilement réductible à sa seule expression guerrière. Ce lien est certes composé de conquêtes et de reconquêtes, mais il est aussi celui de l’Europe avec un Empire ottoman autant étendard de l’Islam qu’héritier et continuateur de Byzance. Empire cosmopolite et pré-moderne, aux antipodes du britannique et du français celui-ci est un facteur de stabilité (pax ottomanica) qui compte, et avec lequel on compose et pactise. L’Empire est aussi raison d’unité pour les Européens qui s’alliaient pour le contrecarrer. La première conceptualisation d’une unité des puissances occidentales est l’œuvre de l’humaniste espagnol Jorge Luis Vives au 16e siècle. L’Empire ottoman, durant six siècles d’existence fait partie du concert et de l’imaginaire occidentaux, de Machiavel à Montesquieu, de François Ier à Louis XIV, entre autres.

C’est avec les Lumières que la substance du relationnel commence à changer. D’abord les Ottomans ignorent la Renaissance et accumulent des retards considérables sur leurs adversaires tant du point de vue technique que politique. Mais surtout, l’image médiévale de l’Ottoman subit une altération radicale qui a encore cours aujourd’hui. Dans la mémoire collective européenne retravaillée par les Lumières il ne reste de l’image médiévale de l’Ottoman (que l’on appelait d’ailleurs le Turc malgré l’incongruité historique de l’adjectif national), que sa caractéristique de conquérant hérétique car musulman, à laquelle vient s’ajouter plus tard au 18e siècle, la personnification du joug impérial, ennemi juré des nations libres. Lourds à porter, ces attributs signifient dès lors le corps étranger à l’Europe, métaphore qui se mue en politique officielle consistant à le repousser dehors dès que celui-ci montre des signes de faiblesse à partir de la fin du 18e siècle. Le reflux ottoman débute ainsi dans les terres conquises des Balkans mais ne signifie pas pour autant le commencement d’une rupture. La retraite militaire est ici synonyme de fascination devant le savoir-faire de l’Occident ignoré jusque-là et qui devient par ce biais l’Autre de l’Ottoman et le reste jusqu’à aujourd’hui. De fait, le mouvement physique est suivi dans les esprits des Ottomans d’un intérêt tout nouveau pour l’Europe et rime avec l'occidentalisation.

Cette nouvelle ère de relations qui suit l’ère des conquêtes est à l’oeuvre encore aujourd’hui. Il s’agit d’une occidentalisation volontaire, auto-imposée et qui se fait avec les moyens domestiques. Elle constitue la principale dynamique, de loin déterminante au long des deux derniers siècles dans l’aire géographique concernée. C’est dans ce processus que se trouvent inscrits tous les succès mais aussi toutes les lacunes de la modernité turque ainsi qu’une grande partie de la sémiologie des relations Europe-Turquie; toutes ces idées reçues, ces images d’Epinal et ces rancœurs qui demandent aujourd’hui à être dépassées par cette décision historique qui proclamait en décembre 1999 la possibilité pour la Turquie de se joindre en temps utile à la famille européenne.

Quant à l’argument géographique il suit de près la distribution religieuse et sert en fait d’alibi pour rejeter le pays musulman. Il n’est pas très difficile de deviner quelle aurait été la position de l’Union par rapport à l’adhésion d’une Turquie avec d’importantes minorités arméniennes et grecques, autrement dit chrétiennes. Comme le rappelle à juste titre le géographe Pascal Clerc dans un article du Monde (19 novembre 2002), «les limites géographiques ne sont pas données par la nature mais sont des productions culturelles. Fixées dans des contextes historiques précis et pour servir des projets particuliers, ces limites sont susceptibles d’être modifiées et doivent toujours être interrogées». Et de rappeler que lorsqu’il fixait la frontière est de l’Europe à l’Oural, l’objectif de Tatichtchev, géographe officiel de Pierre le Grand, n’était point de désigner une barrière infranchissable qui n’en était pas une, mais d’affirmer la nouvelle appartenance européenne d’une Russie en pleine mutation sous le règne de Pierre.

Aujourd’hui l’inclusion du territoire habité par les Turcs dans la définition géographique de l’Europe va signifier une Europe capable de composer avec un peuple porteur de valeurs différentes tout en participant d’un socle politique commun, et capable de prouver ainsi la force de son modèle intégrateur de société humaine. L’argument culturel est devenu un fourre-tout à travers lequel tout un chacun s’autorise à désigner l’autre comme appartenant à une culture différente et irréconciliable. On y trouve par exemple l’argument massue du «modèle de société radicalement différent» comme le dit François Bayrou à l’endroit des Turcs. En fait le modèle de société tout comme les valeurs culturelles semblent varier à l’infini et chacun a dans sa poche sa définition du culturel. Pour certains Hongrois les Roumains ne sont pas Européens, pour certains Croates ce sont les Serbes et les Bosniaques qui devraient être exclus de la définition, pour certains méridionaux les Scandinaves ne sont pas vraiment Européens. Pensez à Luigi Barzini. N’en déplaise aux débatteurs de la culture, les citoyens de Turquie comme la plupart de leurs contemporains aspirent à devenir des consommateurs individualistes dans un environnement de droit et de justice sociale. Ni plus ni moins.

Cengiz Aktar est professeur d’études européennes à l’Université de Galatasaray d’Istanbul

http://www.europeus.org/archive/2005/04/10/oui_la_turquie_est_europeeene.html
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