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 Isolement carcéral en Turquie (le combat de Behiç Asçi)

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Jacky
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Jacky


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MessageSujet: Isolement carcéral en Turquie (le combat de Behiç Asçi)   Isolement carcéral en Turquie (le combat de Behiç Asçi) EmptyMer 27 Sep - 0:53

Un seul pas suffirait pour arrêter le compteur macabre
(par Bahar Kimyongür)

Pour qu’un avocat en arrive à mettre fin à ses jours, il faut sans doute que la raison soit au moins valable si pas irréprochable.
Son nom est Behiç Asçi.
Vous l’aurez sans doute deviné, cet avocat est Turc et ce qu’il entend dénoncer par son acte désespéré, c’est le sort réservé par les autorités de son pays à ses clients, des centaines de prisonniers politiques soumis à une répression douce et brutale à la fois.
Il est bien triste qu’un pays bâtisse sa réputation sur le bilan macabre de ses prisons.
Force est de constater que, pas une seule fois dans son histoire, la république de Turquie n’a failli à cette règle.
On a tous sans doute entendu parler de l’illustre poète communiste Nazim Hikmet, qui passa 13 années de sa vie en prison en raison de ses écrits considérés comme « subversifs ».
Plus tard, les coups d’état perpétrés en 1960 mais surtout en 1971 et 1980, contribueront à faire exploser le nombre de détenus politiques. Aujourd’hui, malgré toutes les réformes entreprises par le gouvernement actuel dans la perspective de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, le nombre de détenus se compte encore et toujours par milliers.
Ces prisonniers étaient naguère parqués dans de grandes chambrées peu confortables soumises aux assauts répétés de l’armée. Malgré leur insalubrité, ces dortoirs permettaient néanmoins aux détenus de développer des liens solidaires et affectifs, de se protéger en cas de raids militaires et même d’être représentés dans les négociations avec les autorités pénitentiaires. Jusqu’au jour où l’Etat décida de mettre fin à la vie collective en milieu carcéral pour « reconquérir les prisons » prétendument « tombées aux mains des organisations terroristes » et « s’adapter aux normes européennes ».
Contre ce projet de mise à isolement, les prisonniers politiques déclenchèrent une grève de la faim générale en la date du 20 octobre 2000. Leurs craintes se fondaient sur deux dangers : celui de souffrir de désocialisation et de dépersonnalisation par privation sensorielle (torture blanche) mais aussi d’être à la merci des matons.
Cependant deux mois après le début de leur mouvement de protestation et contre toute attente de l’opinion publique peu à peu gagnée à la cause légitime des détenus, le 19 décembre 2000 très exactement, pas moins de 10.000 soldats assiégèrent 21 prisons pour déloger les détenus et les déporter vers les nouvelles prisons de haute sécurité, dites « de type F » qui à l’époque étaient encore en chantier.
L’opération militaire synchronisée du 19 décembre baptisée cyniquement « Retour à la vie » se solda par l’assassinat atroce de 28 détenus dont 6 femmes brûlées vives dans la seule prison de Bayrampasa. Sans compter les plus de 1000 blessés, notamment par viol à la matraque, pour une grande partie des survivants, femmes et hommes confondus.
Suite à ce massacre, le nombre de grévistes de la faim qui poursuivirent leur « jeûne jusqu’à la mort » se multiplia malgré leur confinement, notamment pour démentir les allégations des autorités selon lesquelles les détenus étaient contraints par leurs camarades d’observer le jeûne. Le nombre de victimes atteint un bilan effroyable : après 6 ans de jeûne, 122 détenus et leurs proches ont perdu la vie tandis que plus de 600 grévistes de la faim ont contracté le syndrome irréversible de Werncike-Korsakoff après avoir été nourris de force sur ordre du ministre turc de la santé.
Plutôt que d’apporter une solution au conflit, l’Etat turc a tantôt opté pour la répression et le châtiment à l’encontre de toute forme de solidarité avec les détenus grévistes, tantôt essayé de l’ignorer en imposant le black-out et la censure.
Par exemple, à partir du 1er juin 2005, date de la ratification du nouveau code pénal, l’Etat pouvait désormais poursuivre et condamner les journalistes évoquant l’hécatombe des détenus et ce, de trois à huit ans de prison, en vertu de l’article 84 sous prétexte « d’incitation publique au suicide » et en vertu de l’article 298 pour « incitation à la grève de la faim par la publication d’informations sur les prisons ».
Entre-temps, les mauvais traitements se poursuivaient loin des regards indiscrets et ce, sans épargner les prisonniers de droit commun. Ainsi, des dires même de l’avocat Behiç Asçi: 13 détenus de droit commun de la prison de type F de Kiriklar à Izmir ont été attachés en « nœud de porc » (bras attachés aux jambes dans le dos)
Tous les détenus soumis à un isolement de longue durée souffrent aujourd’hui, à des degrés divers, de troubles hallucinatoires, d’acouphènes, de desquamation, de chute de cheveux, de troubles de la vue, de dyslexie, de paranoïa voire de tendances suicidaires.
Par ailleurs, en prison de type F, l’accès aux journaux et le droit de visite sont arbitrairement limités voire interdits.
La situation en prisons de type F est telle que les prisonniers politiques continuent leur action de grève de la faim jusqu’au-boutiste, paradoxalement, par instinct de survie, face au danger de dépérissement physique, intellectuel et affectif qu’ils encourent.
Mais que demandent-ils au juste ?
Dans un entretien qu’il a accordé à la revue mensuelle satirique « Yeni Harman » du mois de septembre (pp. 10-12), l’avocat Behiç Asçi précise : « Mes clients ne demandent pas le retour au système des dortoirs ; juste à pouvoir entendre la voix d’autres êtres humains ».
Et lorsque le journaliste lui demande sous quelles conditions il serait prêt à arrêter sa grève de la faim, il répond par :
« Nous n’avons aucune limite minimale. Le ministre de la justice déclarait de manière démagogique que les détenus en demandent trop. Nous lui avons répondu que nous n’avons pas de revendication achevée et définitive. Si le ministre accepte le rassemblement de 5 ou 6 détenus, nous serions prêts à réfléchir à la proposition.
Nous avons considérablement réduit nos doléances. Nous sommes prêts à accepter que les détenus ne se rencontrent que durant la journée.
(…) Pour mes clients et moi-même, il y a deux points essentiels : que le ministre reconnaisse que le régime d’isolement constitue un problème et qu’il propose une formule à négocier. »
Un seul pas de la part du gouvernement suffirait à faire cesser l’hécatombe.
Même les plus grands barreaux du pays soutiennent Monsieur Asçi, dénoncent l’isolement carcéral en tant que traitement inhumain et appellent le ministre de la justice à respecter la vie et la dignité des détenus. Ils sont eux-mêmes relayés par des centaines de médecins, de professeurs, de romanciers, de comédiens, de syndicalistes, de musiciens et de poètes.
Est-ce par conséquent trop demander que de rendre les prisons de type F plus humaines et plus viables ?
Est-ce si indécent que de demander le respect du droit à la vie pour Behiç Asçi et les prisonniers qu’il défend à corps perdu ?
Combien de morts faudra-t-il encore avant que l’Etat turc n’apprenne la langue du compromis?
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