La France reconnaît avoir profité de la traite des esclaves
ILE DE GOREE, Sénégal (Reuters) - La France a reconnu sur le site historique de Gorée qu'elle avait tiré profit du commerce des êtres humains.
Pendant trois siècles, Gorée a été une plaque-tournante du trafic de milliers d'esclaves vers l'Europe et les Amériques.
"Il nous faut donc nous pencher collectivement, avec courage et lucidité sur cette part du passé: oui, la France a bel et bien profité, a l'instar d'autres pays européens, du commerce d'êtres humains", a déclaré Brigitte Girardin, ministre déléguée à la Coopération, au Développement et à la Francophonie.
"Aujourd'hui comme hier, la grandeur d'une nation réside dans sa capacité à assumer pleinement les heures les plus sombres de son histoire", a poursuit Girardin, sur l'esplanade des droits de l'homme de l'île de Gorée, face à l'océan Atlantique.
"Pour la France, il ne s'agit pas de se complaire dans la culpabilité, comme on l'entend ici ou là, il ne s'agit pas non plus de faire de l'histoire de la traite et de l'esclavage la seule histoire qui nous détermine, il s'agit de mieux maîtriser notre présent par une meilleure connaissance de notre passé. Il s'agit donc avant tout de comprendre, et de faire acte de responsabilité."
Le président sénégalais Abdoulaye Wade, qui accompagnait Girardin sur l'île, située à 20 minutes de bateau de Dakar, a estimé que le devoir de mémoire était important mais il a rejeté toute idée de "réparation" pour faits d'esclavage.
"Il y a des choses qui n'ont pas de prix. Vous me donnerez la Banque de France et tout le contenu de Fort Knox, aux Etats Unis, cela ne réparerait pas ce que nous avons subi", s'est exclamé Wade.
Girardin a rappelé que la France avait été le premier au monde à avoir reconnu l'esclavage comme un crime contre l'humanité, une initiative qualifiée d'importante par Tanya Saint Val, une chanteuse de la Guadeloupe, venue participer à cette la première journée des mémoires de la traite négrière, de l'esclavage et de leurs abolitions.
Biguue Ndoyé, 56 ans, commerçante à Gorée, a déclaré pour sa part que, si "on peut pardonner pour les atrocités commises pendant la traite négrière", "l'oubli" est exclu. "Une journée des mémoires c'est quelque chose de très important pour les génération futures."