Pour ceux qui aiment le théâtre....
représentations du mardi au samedi à 20h30 ( relâche dimanche et lundi)
Centre Culturel Bruegel
rue Haute 247 - 1000 Bruxelles
du 22/12/2005 au 21/01/2006
Réservations : 02/ 503 42 68 ou ccbruegel@skynet.be
Prix des places : 12 € -- 8 € pour les habitants du quartier , seniors et étudiants.
Petit résumé....juste pour avoir une idée
Moïse : Si j’ai remonté le Nil dans mon berceau jusqu’au cœur du pouvoir pharaonique , ce n’est pas parce que ma mère m’a abandonné. C’est parce que Dieu m’a prédestiné et que ma vie devait commencer ainsi. Pour libérer les esclaves. Dieu ne pouvait choisir qu’un fils d’esclaves. Logique !
Yves Claessens ( metteur en scène ) : Un algérien veut faire parler ensemble Moïse , Jésus et Mahomet à propos de la Thora de la Bible et du Coran. On connaît ces histoires ! Et pourtant à l’écoute de « Prophètes sans Dieu », on a l’impression de tout redécouvrir, de comprendre. La première impression c’est qu’on a quand-même beaucoup oublié, qu’il faudrait relire…
Jésus : Qu’on s’entende , Moïse : je suis le fils de Dieu et tu n’es que Son prophète.
Moïse : Quoi ?
Jésus : La réalité qui nous différencie est que toi, Il t’a parlé et que moi , Il m’a conçu.
Moïse : Mais la parole de Dieu est toute la conception .
Jésus : Mais pas l’Immaculée?
L’auteur-enfant : Et qu’est-ce que ça veut dire , immaculée ?
Jésus : Ca veut dire que ma mère était vierge et la mère de ma mère aussi.
Moïse : Et comment tu as fait ?
Jésus : Il n’y a pas de comment. C’est ce qui prouve que je suis le fils de Dieu !
Relire, oui bien sûr mais nous avons l’opportunité de retrouver ces histoires grâce à la pièce de l’algérien Slimane Benaïssa , jouée dans ce lieu historique , insolite , curieux et intéressant qu’est le Centrre Bruegel , rue Haute n° 247 : un long couloir , un terrain en pente , deux étages et l’on aperçoit la salle de théâtre , toute simple et c’est d’autant plus émouvant que l’on sent immédiatement ce besoin et cette nécessité de faire du théâtre populaire.
L’auteur : Jésus ! C’est quoi un martyr ?
Jésus : C’est celui qui est assassiné injustement pour une cause juste.
L’auteur : Chez moi, en Algérie, on compte un million et demi de martyrs , mais pas un n’est devenu un messie !
Yves Claessens (metteur en scène): Slimane Benaïssa est musulman. Il s’interroge sur les malheurs des communautés religieuses monothéistes ( musulmans, juifs, chrétiens). Il convoque alors Moïse, Jésus et Mahomet pour disserter ensemble. Le premier arrivé est Moïse, c’est normal puisqu’il est le premier prophète de l’Histoire , puis vient Jésus.On attendra longtemps Mahomet. C’est aussi normal : le Coran interdit toute représentation humaine et précisément l’action se déroule… sur une scène de théâtre , celle que vous venez de nommer.
Jésus : Pour être messie, il faut être fils de Dieu et martyr.
L’auteur : Pas de chance. Chez nous, il est interdit d’être fils de Dieu. Le nôtre n’accouche pas et c’est dommage. Parce que l’exil est une douleur et le voyage une transcendance divine.
Slimane Benaïssa ( l’auteur) : Avec cette pièce, j’ai essayé de me poser la question suivante : Est-ce que l’homme connaîtra la paix dans l’espace des religions ou en dehors de cet espace ? Depuis des milliers d’années, les religions nous promettent la paix. Pourtant , elles sont au cœur de presque toutes les guerres encore aujourd’hui. Je crois qu’il faut mettre en lumière les nœuds qu’il y a entre les trois grandes religions en cause pour arriver à mieux saisir les enjeux. Est-ce que le conflit qui perdure n’est pas dans la naissance même de ces religions ? Pour cela, il fallait être au coeur des trois religions monothéistes par la connaissance et distant par la foi pour oser la démarche avec sérénité, équité et humour.
L’auteur : Eh Moïse, je suis menacé.
Moïse : : Par qui ?
L’auteur : Par les intégristes.
Moïse : Comment ça ?
L’auteur : Ils m’ont écrit une lettre de menaces .
Moïse : Pourquoi ? Ils savent écrire ?
L’auteur : Oui.
Moïse : Je suis prophète sur la base des Ecritures. Si tout le monde écrit, où va-t-on ?…Et qu’est-ce qu’ils t’ont écrit ?
L’auteur : Ils m’ont envoyé la date et l’heure de ma mort. Dommage, ils ne m’ont pas donné l’adresse.
Cette pièce est d’une parfaite réussite., avec un texte magnifique, important qui fait renaître cette histoire de tous les temps. Un texte souvent ironique pourvu de beaucoup d’humour.
Une pièce inédite, une véritable partie de ping-pong biblique qui remet en scène ( et c’est bien le cas de le dire) ces deux monuments de l’Histoire : Moïse et Jésus.
En réalité, c’est l’auteur de la pièce, Slimane Benaïssa , qui a créé le rôle de l’auteur, repris aujourd’hui en Belgique par Alexandre Crépet .
Si l’on arrive au théâtre, vierge de toute opinion, sans idée préconçue de quoique ce soit, on peut s’étonner de voir jouer Jésus par ce jeune acteur de talent : Gérald Wauthia au physique imposant, qui rejoint quelque peu celui de Daniel Hanssens .On imagine toujours Jésus comme quelqu’un de grand, maigre au visage tragique. Or, ici, l’acteur est physiquement à l’opposé. Et c’est là l’idée formidable, non seulement de l’auteur mais aussi celle du metteur en scène.
Durant les premiers moments de la représentation, on s’interroge beaucoup à propos de Jésus. Mais après , on comprend bien l’intention et le sens de la construction théâtrale. Astucieux et percutant !
Un texte mis en scène avec intelligence, compétence et passion par Yves Claessens , comédien au demeurant.. Les trois acteurs sont parfaits et tellement authentiques dans leur personnage respectif : Alexandre Crépet ( l’auteur) , Denis Carpentier ( Moïse), Gérald Wauthia ( Jésus). On y croit, on s’étonne parfois de leurs attitudes , de leur façon d’être et de parler, mais on y croit totalement alors qu’il s’agit d’une représentation théâtrale pour laquelle trois acteurs ont été engagé pour défendre et « reproduire » ces personnages historiques. Vous aurez donc compris que l’on a choisi un comédien, physiquement très différent de l’image que nous avions de Jésus.
L’auteur : Je suis auteur de théâtre.
Jésus : C’est quoi ça, auteur ?
L’auteur : Un auteur, c’est un prophète sans dieu.
Moïse : Etre prophète d’un dieu, c’est déjà prendre des risques. Etre prophète sans dieu, ça donne quoi ?
L’auteur : Ca donne qu’on a peu de fidèles et beaucoup d’emmerdes !
Yves Claessens ( metteur en scène) : « Prophètes sans dieu » avec de jeunes comédiens qui sont sortis de leur formation, depuis trois quatre ans. Ces jeunes acteurs ont tenté d’amener le jeune public à rire avec Moïse et Jésus, eh oui ! A réfléchir avec Slimane Benaïssa, ben tiens ! Entourés par l’équipe dynamique du centre Bruegel qui fait un travail remarquable de proximité dans le quartier des Marolles.
En première partie de la pièce, on a droit à la grande confrontation entre les deux titans : Moïse et Jésus, accompagnés d’un enfant érudit qui leur rappelle les textes sacrés ( l’auteur, en fait).
La deuxième partie concerne l’arrivée de Mahomet ! Viendra ? Viendra pas ? Et l’on débouche sur une réflexion sur le théâtre ( il y en aura de nombreuses au cours de la pièce) : un auteur de théâtre est-il un prophète sans Dieu ? Fait-on du théâtre pour des musulmans, des chrétiens , des juifs ? Peut-on tout dire au théâtre ? Où s’arrêtent les droits d’une religion ? Il y a-t-il une limite ?
Slimane Benaïssa : La scène du théâtre est le seul pays qui me reste parce qu’elle m’a permis de renaître en dehors de mon pays.
Voilà un spectacle encore à voir jusqu’au 21 janvier 2006.
Ne manquez pas de vous y rendre, croyez-moi, vous ne le regretterez pas.
A signaler encore la publication intégrale du texte de Slimane Benaïssa aux Editions Lansman. En vente aussi au centre Bruegel (8 € ) Un ouvrage à placer dans sa bibliothèque. Et surtout à faire lire par les jeunes.