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L'Express du 08/03/2004
Le dernier secret d'Atatürk
de notre correspondante Nükte V. Ortaq
La fille adoptive du grand Mustafa Kemal était peut-être arménienne. Stupeur et réactions passionnées
Sabiha Gökçen est un symbole. Morte en 2001, à 88 ans, elle représentait tout ce que souhaitait Mustafa Kemal Atatürk pour les femmes turques. Adoptée par le fondateur de la Turquie en 1925, la «fille spirituelle» d'Atatürk fut la première femme pilote militaire du pays. Libre, émancipée, elle n'hésitait pas à se mesurer d'égal à égal avec les hommes. Aujourd'hui, si elle fait à nouveau, en Turquie, les grands titres de la presse, c'est à la suite des révélations de l'hebdomadaire turco-arménien Agos, selon lesquelles elle était en fait arménienne. Des informations qui s'appuient sur les confidences d'une Arménienne originaire d'Aïntab, Hripsime Gazalyan, affirmant être la nièce de Sabiha Gökçen. Cette dernière aurait été abandonnée en 1915 par ses parents, qui fuyaient les massacres. Ces révélations - même si la véracité des faits n'est pas totalement établie - ont provoqué des réactions passionnées en Turquie. Certains éditorialistes ont essayé de retracer l'arbre généalogique de Sabiha Gökçen pour tenter de prouver qu'en fait elle était... bosniaque! Tandis qu'on rappelait, du côté de l'armée, les principes républicains selon lesquels l'identité turque ne dépend ni de l'ethnie ni de la religion. Pour les militaires et les tenants de ce courant de pensée, cela veut dire que ces questions-là ne doivent pas être abordées. Une attitude que conteste aujourd'hui une frange encore minoritaire mais de plus en plus audible de l'opinion, qui cherche à faire accepter l'origine multiculturelle de la société turque.