Pour mon copain Haksou et tous ceux qui se posent des questions sur les religions... Le Shamanisme était la seule " croyance " universelle et commune à l'Humanité, France et Turquie comprises. Je vous invite donc à tous lire cet article fort intéressant.
Chamanisme (ou Shamanisme) Le Shamanisme est notre plus ancien héritage spirituel . On en trouve des traces remontant jusqu'au moins 30.000 ans. On le rencontre, partout dans le Monde, sous des formes presque semblables. Quelques sociétés isolées l'ont gardé intact jusqu'à nos jours.
Le Shamanisme réunit les choses, au lieu de les séparer. Tout ce qui existe est vivant : êtres humains, animaux, plantes et matière. Tout est important, digne de respect, animé par une même énergie. Nous sommes les habitants d'une même maison, donc nous dépendons les uns des autres : tout est relié. Nos ressources d'êtres humains nous confèrent la responsabilité de prendre soin de la beauté de la Terre, notre maison commune. Peut-être réalisons-nous aujourd'hui combien c'est un équilibre fragile.
Comment les survivants de certaines sociétés traditionnelles ont-ils préservé au travers des siècles l'environnement qui les fait vivre ? Comment sommes-nous presqu'arrivés à l'anéantir ? Ce n'est pas une question d'accroissement de la population. A partir d'un moment de notre histoire, notre façon de nous positionner par rapport aux autres êtres s'est modifiée : nous sommes devenus des prédateurs.
C'est dans ce contexte que nous redécouvrons le Shamanisme. Nous n'avions même plus de mot pour le nommer. On a dû l'emprunter à un peuple de Sibérie, qui le pratiquait encore. Pourtant sa mémoire n'est pas totalement effacée. On a évoqué ce qui avait pu se passer dans nos cavernes couvertes de peintures préhistoriques, au Temps de la Déesse. On s'est interrogé sur les textes rapportant les récits du temps des druides (Merlin était un shaman). On a identifié des personnages très anciens dans les contes traditionnels (nos récits initiatiques). Plus près de nous, on commence à réaliser qui étaient réellement celles que nous avons torturées et brûlées comme sorcières : nos sages-femmes, nos « medecine-women », les gardiennes des anciennes croyances. Dans l'intolérance et la répression, les connaissances se sont perdues ou déformées. Le « sourcier » (celui qui trouve l'eau) est devenu le « sorcier ». L'ignorance, la misère et la peur ont tout perverti.
Nous avons été « dé-culturés », coupés de nos racines, exactement comme les peuples à qui nous avons voulu imposer nos valeurs, en reproduisant ce que nous avions subi nous-mêmes. L'irrationnel n'a pas disparu, même dans un monde rationnel et matérialiste, mais nous avons perdu les clés pour l'utiliser. Nous pouvons, dans notre recherche, apprécier et nous inspirer du Shamanisme de peuples qui l'ont conservé vivant. Mais il serait passif et artificiel de se mettre à les copier, après les avoir forcés à nous copier… Notre tâche est de faire renaître un Shamanisme vivant, qui soit l'expression de nous-mêmes et de notre époque. Pour cela, il faut se retourner vers le Passé (nos racines), nous relier à ceux qui nous ont précédés (la lignée des lointains ancêtres), réparer le traumatisme, transformer le Présent pour aller vers le Futur (le Monde légué aux générations à venir).
Le Shamanisme propose un pont entre la raison et l'intuition. Il ouvre un passage entre le Monde Ordinaire (observable par les sens) et le Monde Non-ordinaire (le domaine de l'inconscient et celui des « esprits »*). (* Tout ce qui existe a un aspect « spirituel » : son double intérieur, le noyau autour duquel il se rassemble, son essence intime. Le Shamanisme appelle cela : son « esprit ». Dans le Monde Ordinaire, on perçoit l'apparence ; dans le Monde Non-Ordinaire, on peut faire contact avec ce qui est caché derrière l'apparence.)
Le Shamanisme réclame le droit à la « réalité » des deux Mondes. Si on en rejette un, on s'ampute d'une moitié de soi-même. L'honnêteté intellectuelle demande de tenter l'expérience, d'aller à la découverte sans préjugés. La souplesse et l'humour sont de mise : vous pouvez aborder les choses au second degré (au niveau symbolique), avant de vous impliquer au premier degré…
Dans la Tradition, le Monde Non-Ordinaire est divisé en trois étages, comme un grand arbre : Monde d'En-Bas (les racines), Monde du Milieu (le tronc) et Monde d'En-Haut (le feuillage). Le Monde d'En-Bas est la demeure des Animaux protecteurs, celui d'En-Haut est la demeure des Enseignant/es. Le Monde (non-ordinaire) du Milieu contient la représentation de tout ce que nous avons expérimenté dans cette existence ; il est également le domaine des esprits des Eléments (la Terre, l'Eau, le Feu, l'Air et le Monde Végétal).
Pour faire le passage d'un Monde à l'Autre, on fait un « voyage » shamanique. Le support du son (tambour, maraca, guimbarde, chant…) aide à changer d'état de conscience et à se déplacer intérieurement dans ces territoires. Le but recherché est d'explorer le Monde Non-Ordinaire et de faire contact avec les esprits qui l'habitent. Les esprits du Monde d'En-Bas et du Monde d'En-Haut aiment entrer en relation avec les humains : ils ont de belles connaissances à partager avec nous. Ils peuvent nous donner des renseignements et nous apporter de l'aide. Ils peuvent nous enseigner comment capter le « pouvoir » shamanique. Ce pouvoir-là est celui de transformer l'énergie : s'ouvrir à la vie, et se mettre à rayonner. Les esprits éprouvent de la compassion (« être ouvert à sentir ») pour la souffrance qui traîne dans notre monde. Ils ont besoin de notre coopération, pour que leur aide puisse se matérialiser dans la réalité ordinaire.
Pour communiquer, on parle la langue utilisée dans le Monde Non-Ordinaire. Elle est faite d'images (représentations intérieures de tous nos sens), de métaphores, de symboles, d'histoires, comme dans nos rêves. Elle a un grand pouvoir évocateur, elle peut révéler directement les choses par l'évidence (non par le cheminement du raisonnement). Cela ne nous dispense pas de rester en contact avec la raison. Tout est dans l'équilibre : l'intuition est compagne de la raison, chacune a sa place dans le jeu de la création.
Le degré d'engagement dans la démarche shamanique dépend de chacun. Pour que la fonction shamanique (le rôle de shaman/shamanka) puisse exister, elle doit être soutenue par une culture shamanique, qui lui permette de fleurir spontanément. Dans ce contexte, une personne peut être appelée à remplir la fonction shamanique, au service du groupe, en servant d'intermédiaire avec le Monde des Esprits. Ce n'est pas un titre, ni un métier ; c'est un service, une responsabilité.
Notre culture occidentale a perdu le Shamanisme. Si l'on veut bien faire les choses, il faut commencer par rétablir la pensée shamanique, reconnaître l'intuition, retrouver le respect de la Nature, renouer avec nos racines perdues. C'est dans cet esprit d'humilité et de réalisme, que l'on propose d'utiliser le terme de « praticien/ne shamanique » au lieu de « shaman/shamanka ». Dans l'enseignement donné par les esprits, l'apprentissage est long, parfois difficile. Notre sensibilité d'occidentaux ne s'accomode pas d'obéissance aveugle à des Maîtres à penser. Il n'y a pas d'autres Maîtres que les esprits, et soi-même comme responsable à bord. La liberté a parfois un parfum de solitude. Mais, en réalité, nous ne sommes jamais seuls.
Benoît de Pierpont
BIBLIOGRAPHIE :
The Way of the Shaman/ Michael Harner/ Harper San Francisco. 1980 En français : La Voie Spirituelle du Chamane/ Age d'Etre. Pocket 4671. 1982
Shamanism as a Spiritual Practice for Daily Life/ Tom Cowan/ The Crossing Press. 1996
Medecine for the Earth/ Sandra Ingerman/ Three Rivers Press. 2000
Soul Retrieval, mending the fragmented Self/ Sandra Ingerman/ Harper Collins. 1991
Welcome Home/ Sandra Ingerman/ Harper Collins. 1993
Shaman's Path/ Gary Doore/ Shambala. 1988 En français : La Voie des Chamans/ J'ai lu. New Age. 1989
Chamanisme/ Mircea Eliade/ Payot. 1951
Shamans through Time/ Jeremy Narby & Francis Huxley/ Thames & Hudson. 2001 En français : Chamanes au fil du temps/ Albin Michel. Clés. 2002