Un mail que j'ai reçu.
Pedro
Droit de réponse
Bruxelles, vivier de terroristes ?
Bruxelles, le 12 juillet 2006
A l'heure où la menace terroriste demeure présente dans les esprits, règne au cœur d'une Europe blessée dans sa chair un véritable climat de suspicion envers des citoyens de confession musulmane. Ces derniers affrontent quotidiennement une atmosphère malsaine, entretenue par des images médiatiques hautement dépréciativ es de l'islam et des musulmans.
A cet effet, le récent dossier de l'hebdomadaire belge, la « Tribune de Bruxelles » [1], datant de la fin juin nous interpelle sur plusieurs points et nous tenons à y esquisser certaines réserves.
En première page, de ce numéro, une photo haute en couleur de dizaines de musulmans qui accomplissent une prière: « Zoom sur les réseaux terroristes à Bruxelles » nous annonce le journaliste Pierre Sambre. Vient ensuite la promesse d'un dossier où figurerait une enquête qui « montre à quel point la situation est fragile et tendue à certains endroits…». La photo, qui illustre ce dossier titré : « Bruxelles, tranquillité précaire » ; représente à nouveau des fidèles priant dans une mosquée cette fois.
Ce rapprochement pour le moins sulfureux entre des citoyens effectuant un acte de foi et le péril terroriste ; trahit sans conteste l'attitude objective dont se prévalait initialement le journaliste : « une tentative de réponse pour combattre les extrémismes», écrit-il. Si tel était l'objectif du journaliste, pourquoi préférer le traitement exclusif d'épiphénomènes à la tranquillité dans laquelle vivent nombre de citoyens de confession musulmane dans la région bruxelloise comme dans le reste du pays ? Jusqu'à quand, ces Belges qui n'acceptent pas l'intégration ratée et qui cherchent malgré tout à remplir leur contrat du multiculturalisme version belge, seront-ils igno rés ?
Cette surmédiatisation infecte n'a malheureusement pour effet que d'entretenir le jeu des extrêmes. Depuis « le vivier des ghettos », Pierre Sambre nous débite de la surenchère journalistique. Le sort de Bruxelles, « notre cité radieuse…européenne », semble désormais scellé par ces musulmans qui accomplissent … une prière ! Frémissez donc car « voici l'ordre nouveau d'une minorité radicale à Bruxelles» !
Mise en scène déplorable et qui plus est saugrenue : la liberté de culte est garantie à tout un chacun ; elle correspond à un droit constitutionnel et inaliénable. Nos interrogations se portent également sur, d'une part, les motifs qui désigneraient des citoyens, de quelque obédience que se soient, comme étant des criminels parce qu'ils accomplissent une prière et d'autre part, sur les raisons qui feraient d'un belge de confession musulmane un citoyen plus dangereux qu'un bouddhiste, qu'un juif ou qu'un chrétien effectuant un acte de foi les reliant à Dieu.
De surcroît, il fustige successivement la Fondation Roi Baudouin, le commissaire à la police fédérale Alain Grignard, le spécialiste de l'Orient Gérard Chaliand, le bo urgmestre de Molenbeek-Saint-Jean Philippe Moureaux à qui ils reprochent l'attitude hypocrite devant le « danger islamiste ».
Chacune des ces personnalités en prend pour leur grade. Mais, la plus visée, photos à l'appui, est Pascale Bourgaux, journaliste à la RTBF à qui Pierre Sambre reproche de se prêter « au défilé de mode orientale », plus grave encore, « à la conformité « religieuse » » en « adoptant le voile dans les pays musulmans». Attitude qui, selon lui, porte atteinte tant à la liberté journalistique qu'aux valeurs féministes occidentales.
Thème crucial, la question de la femme musulmane coiffée d'un foulard suscite toujours dans le regard de nombres d'Européens l'incompréhension et parfois l'émoi. Par leur visibilité, ces femmes sont prises en tenailles dans un tourbillon médiatique où elles symbolisent l'oppression et les violences exercées à l'encontre de la gent féminine... pire l'offensive islamiste. Or, il est des femmes qui se positionnent intellectuellement en tant que musulmanes, européennes, engagées et revendicatives. Actrices de leurs vies, elles mènent des combats citoyens pour davantage de libertés et de responsabilités. Pourquoi occulter celles qui effectuent des choix librement consentis et qui renversent ainsi le stigmate ?
Nul besoin de rappeler, en définitive, que les visions résolument populistes éloignent chaque jour un peu plus les cultures et les placent dos à dos les unes aux autres. Face à des exercices journalistiques en manque de sensationnalisme, il nous incombe de rompre ce silence pour éviter de « laisser la porte ouverte aux doutes, aux rumeurs, aux mensonges, à l'indignation et à la peur. »
Malae Ben Azzuz
Pour le Bureau Exécutif d'ASTROLABE,
Association d'Etudiant(e)s et de Diplômé(e)s Musulman(e)s de Belgique
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