Moscou efface la dette d'Alger pour placer ses armes
Poutine tire un trait sur les 4,7 milliards de dollars de créances et réalise son plus gros contrat d'armement.
par José GARÇON
QUOTIDIEN : lundi 13 mars 2006
Deux ambitions se sont rencontrées, vendredi, lors de la visite de Vladimir Poutine à Alger : celle de la Russie de retrouver son influence dans le monde arabe, pour se poser en médiateur entre l'Occident et les musulmans, et celle de l'Algérie d'apparaître comme la grande puissance d'Afrique du Nord. Le moyen de ces ambitions se résume aisément : ventes d'armements (russes) pour 7,5 millions de dollars à Alger, dont 3,5 millions d'avions de guerre, notamment 28 chasseurs Sukhoi 30MK, 40 chasseurs Mig 29 SMT, 8 groupes de missiles antiaériens S300 PMU, 40 chars T90... Bref, le plus gros contrat militaire conclu par la Russie postsoviétique.
Pour en arriver là, il aura fallu d'intenses et longues négociations préalables, et trois heures et demie d'entretien en tête à tête entre Abdelaziz Bouteflika et son homologue russe. Des tractations assez dures pour avoir, dit-on, provoqué l'ire de Poutine. Faute d'obtenir un engagement écrit d'Alger d'acheter des armements, celui-ci aurait décidé de ramener sa visite de deux jours à six heures. L'enjeu, il est vrai, était de taille : l'Algérie conditionnait tout achat à l'effacement de sa dette de 4,7 milliards de dollars, contractée du temps de l'Union soviétique.
Très courtisé, le géant pétrolier et gazier algérien qui reçoit depuis samedi le président sud-coréen Roh Moo-Hyun a de bonnes raisons d'être satisfait. Il a obtenu l'effacement de sa dette russe (soit environ 25 % de sa dette extérieure totale), lui qui redoute d'être un jour soumis à des pressions politiques de ses créanciers, comme cela faillit être le cas au cours de la guerre civile. L'Algérie a, en outre, signifié aux Occidentaux, notamment aux Français et Américains, accusés de traîner les pieds pour lui livrer des armements sophistiqués, qu'elle n'a, en la matière, que l'embarras du choix.