Favorable à l'adhésion turque à l'UE, Chirac soigne aussi les Arméniens de France, ne négligeant aucune voix pour le référendum du 29 mai.
Par Antoine GUIRAL
lundi 25 avril 2005 (Liberation - 06:00)
Jacques Chirac, c'est bien connu, est l'ami de tous. Donc des Turcs, mais aussi des Arméniens. En recevant en fin de semaine dernière à Paris son homologue arménien Robert Kotcharian, le chef de l'Etat français a souhaité que l'Arménie «poursuive son dialogue avec Ankara», notamment sur la question du génocide. De manière très symbolique, les deux hommes se sont rendus dans le VIIIe arrondissement pour déposer une gerbe au pied du monument arménien dédié tout à la fois au musicien Komitas, aux victimes du génocide et aux combattants arméniens morts pour la France.
Favorable à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, le président de la République cherche à montrer qu'il ne transige pas avec les principes.
Ses proches soulignent qu'il peut se permettre de tout dire aux Turcs.
Vendredi, il a ainsi rappelé que cette éventuelle entrée dans l'UE passerait immanquablement pour Ankara par un «devoir de mémoire» sur le génocide arménien. Pour autant, Jacques Chirac se refuse à pointer plus ouvertement la responsabilité turque. En 2001, le Parlement a adopté une loi qui stipule que la France reconnaît le génocide arménien. Mais elle ne précise pas qui en sont les coupables.
Cette ambiguïté est révélatrice de l'attitude de la France qui a toujours voulu ménager la susceptibilité turque.
Quoi qu'il en soit, la communauté arménienne de France (la plus importante d'Europe) a apprécié le geste de Chirac.
«Un événement très important», a ainsi assuré Ara Toranian, président du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France. Alors que le non au référendum du 29 mai est donné gagnant, le Président ne néglige rien pour grappiller les voix susceptibles d'inverser cette tendance.
Les Français d'origine arménienne lui sauront-ils gré d'avoir pour la première fois honoré de sa présence leur monument aux morts ?
Jamais en reste pour prendre le contre-pied de Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy a assuré que son opposition à l'adhésion de la Turquie dans l'UE «n'était pas liée» à la reconnaissance du génocide par Ankara mais à son «idée de l'Europe qui doit avoir des frontières et des relations avec ceux qui ne sont pas européens».