Vive la Turquie

10 avril 2005
Vive la Turquie
Pourquoi je suis pour la Turquie dans l'Europe, par un europhile convaincu.

Je suis fort étonné de voir la masse de commentaires qu'inspirent à nos aimés lecteurs les billets sur la Turquie, sur son lien possible ou non avec la Constitution européenne. Du coup, j'ai envie de faire partager mon sentiment pro-turc, voire même mon enthousiasme.

J'évacue évidemment l'argument qui veut que la Turquie ne soit pas géographiquement dans l'Europe. Qu'il soit exact ou pas m'indiffère totalement. Je trouve ça totalement idiot de prêter la moindre importance à ce genre de considération, à l'heure où on se déplace en avion autour de la planète entière, où Internet nous relie au monde entier. Peu importe où se trouve la Turquie, si elle veut nous rejoindre et que nous voulons d'elle.

De même pour les arguments historiques, qui eux plaident plutôt pour la Turquie, pays où se trouvent à l'heure actuelle les villes grecques les mieux conservées (Ephèse, par exemple), pays qui a durablement marqué les Balkans de son empreinte.

Que la Turquie veut de l'Europe est un point qui semble plutôt acquis, si on en juge par l'accueil triomphal reçu par son premier ministre lorsqu'il est revenu du conseil européen où il avait réussi à obtenir des assurances sur l'ouverture des négociations.

Pourquoi l'Europe voudrait de la Turquie ? Je vois plein de bonnes raisons pour cela :

la Turquie, c'est une population importante (estimée à 80 millions d'habitants, je crois, dans 15 ans), et plutôt pauvre. C'est un marché à prendre. C'est des maisons à construire, des voies ferrées à poser, des trains à vendre, des gens à approvisionner. Bref, c'est l'occasion d'étendre notre marché et de renforcer le poids économique et commercial de l'Europe.
la Turquie, c'est un Etat laîque et un pays musulman. C'est l'occasion d'approfondir ce qui fait la spécificité de l'Europe : la capacité à faire vivre ensembles des peuples et des coutumes différents. Alors que le reste de l'Europe est plutôt d'ascendance chrétienne (sauf la Bosnie et l'Albanie, qui rentreront bien un jour dans l'Union européenne), nous avons besoin de quelques pays musulmans, qui soient là pour nous aider à accepter d'avantage les musulmans qui vivent chez nous. La Turquie dans l'Europe, c'est aussi une façon de combattre le racisme ordinaire qui sévit chez nous.
Sur le plan diplomatique et militaire, c'est une formidable opportunité. Comment vouloir "l'Europe puissance" (dont parlent certains, même si je n'adhère que partiellement à cette antienne) et refuser d'intégrer la Turquie, puissance militaire importante et pôle de stabilité dans le Proche-Orient. Comment peser dans le conflit Israélo-Palestinien autrement que par de l'argent ?
Ce serait aussi courrir un grand risque que de ne pas profiter de cette aubaine : si aujourd'hui les pays arabes sont divisés, un jour ils finiront par faire ce que nous avons fait en Europe. Lorsque l'Union musulmane (UM) courrera de Rabat à Téhéran, nous aurons un bloc face à nous, puissant et structuré, sur lequel il sera bien difficile de peser. Je préfère mille fois une Europe qui s'étende jusqu'à englober la Méditerrannée, comme au temps de l'Empire romain, et qui agrège les pays du Maghreb. Cette Europe là serait à la fois un grand marché, économiquement riche et viable, capable de résister à la concurrence économique des Chinois et des Indiens, mais aussi d'une grande richesse culturelle. Peut-être aussi cela nous permettra de nous retrouver en contact avec des gens pour qui l'économie n'est pas tout.
Evidemment, il ne s'agit pas d'intégrer la Turquie aujourd'hui. Les négociations qui s'ouvrent sont là pour que la Turquie intègre "l'acquis communautaire", mais aussi pour veiller à ce qu'ils s'engagent durablement dans un processus de respect des droits de l'Homme. Ca ne sera pas immédiat (nous même, nous sommes encore régulièrement condamnés par la cour européenne des droits de l'Homme !), mais au contraire ça prendra du temps. Du temps que nous devons mettre à profit pour mieux connaître nos voisins, leur littérature (une collecte pour envoyer des livres turcs à Philippe de Villiers) mais aussi pour défendre chez eux "l'esprit européen". A nous de les convaincre.

N'ayons pas peur !

Rédigé par Paxatagore | Lien permanent

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