"Le Prix Nobel Pamuk s'est enfui, il a décidé de quitter la Turquie"
La nouvelle a été donnée par le directeur du quotidien "Sabah"
"Préoccupé par les menaces, il est parti en secret pour les États-unis"
ANKARA - Orhan Pamuk, Prix Nobel de littérature de 2006, aurait décidé de quitter définitivement la Turquie, son pays natal, pour s'établir aux États-unis, où il enseigne déjà depuis plusieurs mois à la Columbia University à New York. Fatih Altay, directeur du quotidien turc Sabah est certain que l'énième voyage de l'écrivain aux États-unis est un déménagement.
"Il s'est échappé, pour un long moment, emportant avec lui ses biens" affirme-t-il ajoutant être au courant de la nouvelle déjà hier, mais ne pas l'avoir publiée "pour éviter qu'à l'aéroport d'Istanbul, il y eût des manifestations" contre Pamuk. "Évaluez - écrit Altay en s'adressant aux lecteurs - le tort que cette décision cause à l'image de la Turquie".
Un des plus importants écrivains turcs, poursuivi pour ses prises de positions sur les massacres d'Arméniens et de Kurdes (quelques-unes de ses déclarations lui coûtèrent, en 2005, une inculpation et un procès, suspendu et annulé ensuite), Pamuk fut le premier intellectuel du monde musulman à condamner la fatwa iranienne contre Salman Rushdie. Parmi ses romans, Le Château Blanc, La Maison du Silence, Le Livre Noir, La Vie Nouvelle, Mon Nom est Rouge ont été traduits en italien.
Altay rapporte que l'écrivain "était beaucoup préoccupé par les derniers évènements en Turquie, et avait décidé de s'en aller définitivement", surtout après l'homicide, le 19 janvier dernier, de Hrant Dink, journaliste et écrivain d'origine arménienne. Depuis cet instant, Pamuk avait été l'objet de menaces répétées, au point d'annuler une série de conférences prévues en ce moment en Allemagne et en Belgique.
Un des auteurs de l'homicide de Dink, attrapé par la police, durant le transfert du tribunal à la prison avait hurlé, devant les caméras de télévision : "Pamuk, maintenant, attention à toi. Sois intelligent". Les forces de sécurité turques ont pris au sérieux la menace et, depuis lors, elles ont mis le Prix Nobel sous escorte ainsi que dix-sept autres personnes parmi des écrivains et des journalistes turcs, connus pour ne pas être alignés sur les opinions des nationalistes turcs.
"J’avais aussi appris que Pamuk avait retiré de son compte, 400 mille dollars - continue Altay - et qu’il partait de la Turquie avec l’intention de ne pas y retourner pour un long moment. Et nous avons authentifié l’existence d’une réservation à son nom sur un avion de 12h30." Le directeur de Sabah explique que, ayant appris la décision présumée de l’écrivain, il s’est trouvé face à un choix, "opposant le devoir journalistique et les considérations humaines". Pour cette raison, il aurait décidé de ne pas publier la nouvelle, qui aurait pu mettre en péril le départ de Pamuk lui-même.
(2 février 2007)
La Repubblica