Le prof était innocent
Deux ans avant d’être acquitté mardi. Une affaire à la Outreau. “Dès le début, on pouvait voir que les enfants mentaient...“
BRUXELLES Une affaire à la Outreau… en Belgique.Tout début 2005, José, prof de gym de 38 ans dans une école primaire de la ville de Bruxelles, est convoqué par la directrice.
Début du cauchemar. Qui s’est achevé avant-hier devant le tribunal correctionnel : acquitté.
Le cauchemar avait duré 2 ans : il a fallu 2 minutes pour y mettre fin. Sans un mot de la justice pour s’excuser de s’être trompée, d’avoir accusé à tort. Les parents des enfants n’étaient même pas présents. Et le procureur à l’audience demandait l’acquittement alors qu’il avait estimé les charges suffisantes, il y a quelques mois, pour demander le renvoi en correctionnelle. Au moment de plaider, les avocats du prof de gym, Mes Nathalie Buisseret et Sven Mary, devaient se demander pourquoi la justice, sur des bases si fragiles, avait démoli deux ans de la vie d’un homme.
Un écolier de 2e primaire accusait son prof de gym de l’avoir embrassé sur la bouche. José, qui donnait cours à des garçons et filles de 6 à 12 ans, n’avait jamais, en quinze ans, rencontré de problème de cet ordre. “C’était un matin. J’étais au gymnase. La directrice voulait me voir. Elle m’a prié de m’asseoir. J’ai tendance à penser qu’elle me faisait plutôt confiance. Il était question d’un garçon de 7 ans que je connaissais comme tous les enfants de l’école. Soudain, c’est votre vie qui s’arrête. La directrice m’a proposé de rédiger un démenti. Sous mes yeux, elle a contacté l’inspection. Elle ne pouvait pas faire autrement. Le lendemain, j’étais convoqué et, le jour même, suspendu pour trois mois renouvelables autant que nécessaire.
Avec interdiction de mettre les pieds dans les bâtiments. Il avait suffi qu’un gosse dise n’importe quoi : j’avais beau donner cours depuis 1992 : direct à la maison…”
Pendant des semaines et des semaines, le prof de gym n’entend plus parler de rien. Aucun de ses collègues ne l’a rejeté mais à peine 10 % ont pris de ses nouvelles et l’ont encouragé à tenir bon. “Quand vous êtes enseignant, vous avez tort et c’est à vous de prouver votre innocence. C’était faux. Je le savais. C’était l’époque du procès d’Outreau. Je me disais que je n’étais pas le seul. J’ai pensé écrire un livre…“
Après des semaines, José était convoqué à la police.
Enfin, pour la première fois, le prof de gym accusé pouvait s’expliquer. “C’était gênant mais les policiers ont fait leur métier plutôt correctement. C’est là que j’ai appris que je n’étais plus accusé par un enfant mais par trois qui d’ailleurs se connaissaient : je les avais tous embrassés sur la bouche et cela s’était produit dans les rangs. Paradoxalement, ça me rassurait. Je les aurais embrassés devant tout le monde ? Et personne n’aurait réagi ? C’était si invraisemblable : le juge comprendrait tout de suite que ça ne tenait pas la route.”
Non ! Au contraire, le juge l’inculpait d’attentat à la pudeur, sans menace ni violence, mais sur trois mineurs d’âge de moins de 15 ans, sur lesquels l’enseignant avait autorité.
Effet immédiat à la Communauté française : salaire réduit à 50 %.
“J’ai rongé mon frein. Je faisais des travaux chez moi. Au bout d’un moment, je me suis mis devant la télé : je n’allais pas tapisser 8 fois le même mur.” José manque la rentrée. Septembre 2006, octobre, novembre : 2 mois et demi encore à se ronger les sangs. À voir l’avenir en noir. À douter de soi. À vivre mal. À s’angoisser : et si la justice continuait de se tromper.”
Avec, au bout du chemin, le procès, mardi, réglé en 20 minutes. “J’étais dans les difficultés depuis 2 ans et les parents qui avaient porté plainte n’étaient même pas là. S’en souvenaient-ils seulement ? “José veut reprendre son travail de prof de gym le 6 janvier dans la même école, pour montrer à tous, la tête haute, que “j’étais innocent de chez innocent”. Qu’on lui a pris deux ans.
À tort et pour rien.
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