Au tour de l'Afrique

MONDIAL 2010 - Allez, à toi maintenant, Afrique !

Berlin (Allemagne) - L’Afrique aura donc attendu la 19ème édition du Mondial pour avoir l`honneur de recevoir, en 2010, la plus prestigieuse des épreuves sportives qui soit. C’est donc une "vieille dame" de 80 ans qui débarquera en Afrique du Sud, dans 4 ans. 80 ans, mais avec ses charmes intacts ! Voire plus attrayante que jamais ! Le Mondial est, en effet, plus attirant que jamais, ainsi qu’en témoigne le rush de candidats à son organisation qu’il occasionne à chaque fois.

Un mondial en Afrique ! Ç’aurait pu arriver bien plus tôt, lorsque le Maroc postula à l’organisation et se fit battre coup après-coup par les Etats-unis en 94, la France en 98 et la Corée du Sud et le Japon en 2002. Il a fallu que la Fifa décide de la rotation entre continents, pour que l’Afrique soit élue. Et elle attendra encore que la compétition fasse le tour du monde avant de lui revenir en ... 2030.

C’est-á-dire pas avant une génération. D’où la responsabilité historique qui incombe au pays de Nelson Mandela, lui qui avait pesé de tout son poids politique, affectif et symbolique pour faire pencher la balance du côté sud-africain. Son successeur à la tête de la Nation Arc-en-ciel, Thabo Mbeki a promis à Berlin où il se trouvait en visite de travail, que "le Mondial en Afrique du Sud sera le plus réussi de l’histoire". On veut bien le lui concéder par avance. Mais, la tache sera particulièrement ardue.

Organisation : Les 3 dernières éditions du Mondial (France 98, Corée-Japon 2002 et Allemagne 2006) ont été des modèles de réussite. La France avait certes tardé á coller á l’événement parce que ne croyant pas trop en son équipe. Mais, á mesure que les "Bleus" avançaient dans la compétition, l’intérêt populaire allait crescendo pour atteindre le sommet avec le sacre de Deschamps et compagnons, le 12 juillet 98.

Quatre ans plus tard, malgré la première co-organisation dans l’histoire de l’épreuve, la Corée et le Japon firent de cette première en terre asiatique, un énorme succès, grâce notamment à leur sens de l’organisation et à une communion populaire de tous les instants. Et cette année, l’Allemagne vient de se révéler au monde sous un visage qu’on ne lui connaît pas. Elle a été rigoureuse (ça, on le savait des Allemands), mais elle a surtout accueilli le monde du foot avec tout son cœur, avec une disponibilité et un sens de l’hospitalité qu’on ne lui soupçonnait même pas. "Thanks for being our guests" (Merci d’avoir été nos hotes), a-t-on même pu lire sur une banderole, samedi lors de la petite finale Allemagne-Portugal. La 3éme place obtenue par la Nationamannschaft ? Ce n’est même pas pour empêcher les Allemands de savourer leur bonheur d’avoir si bien accueilli le monde. Ils ont prouvé que la célèbre formule qui a longtemps eu cours en matière de foot, "Host to win" (accueillir une compétition pour mieux la remporter), n’est plus tellement d’actualité. On peut abriter une épreuve aussi grande, prestigieuse et importante que le Mondial, ne pas le remporter et être fier et heureux.

Comme ces Allemands chantant leur joie á Stuttgart après la médaille de bronze décrochée par les garçons du très sympathique Klinsmann. Comme tous ces Allemands qui sillonnent les différentes villes de leur pays engoncés dans des drapeaux aux couleurs nationales. Comme Klinsmann, le sélectionneur national, beau comme un ange et heureux comme un enfant qui reçoit un cadeau et dont l’équipe n’a pourtant fait que 3ème de "son" Mondial.

Sans le vouloir ni le chercher, les Allemands ont lancé un terrible défi á l’Afrique du Sud à qui elle a désormais transmis le flambeau. C’est vrai que le pays des "Bafana Bafana" a l’habitude d’accueillir de grands événements sportifs depuis qu’il est revenu dans le concert des Nations en 1992 (Can de foot en 96 et Mondial de rugby). Mais, il n’avait pas toujours offert la meilleure image de ce qui se fait en la matière. Lors de sa Can de foot, en effet, il n’y en avait que pour les "Bafana Bafana" : quand ils jouaient le stade était plein, sinon c’était le désert total.

Ce qui rassure á ce niveau, c’est que "le peuple de la Coupe du monde" n’est pas forcément celui qu’on peut espérer rencontrer en Can. Ici, il s’agit de gens venus de tous les pays (qualifiés ou pas) pour vivre leur passion du foot et découvrir du monde par la même occasion.

Alors, on peut espérer que ce ne sera pas le fiasco craint au niveau des fréquentations des travées des stades sud-africains.

Infrastructures : L’Afrique du Sud est connue pour être une grande Nation de l’Ovalie. Alors, l’essentiel de ses infrastructures sportives sont dédiées au rugby. Et l’existant est déjà considérable, mais un important programme de réfection des stades est entrepris pour plusieurs millions d’euros. Du côté des télécommunications et des transports, l’Afrique du Sud est un véritable géant en Afrique et peut rivaliser avec certaines nations européennes. Grand pays de tourisme, elle est également bien parée au plan des infrastructures hôtelières.

Sécurité : C’est peut-être là oú l’Afrique du Sud sera la plus attendue ; l’insécurité étant l’un des grands maux dont souffre le pays. Mais, l’Allemagne vient de prouver que l’hydre de la violence et de l’insécurité n’était pas invincible. Grace à la collaboration de ses collègues d’autres pays, la célèbre Polizei allemande a gagné son Mondial. Certes, il y a eu quelques énergumènes appréhendés et empêchés de réaliser leurs sordides desseins de hooligans, mais pour l’essentiel, il n’y a pas eu les actes de xénophobie tant redoutés. L’Afrique du Sud aura certainement besoin, sur ce chapitre, de l’expérience de la Police allemande et d’autres pays européens.

Participation : Sur ce chapitre, le défi dépasse la seule Afrique du Sud et interpelle tout le continent.

Car, depuis qu’ìls ont remporté le titre africain chez eux en 96, les "Bafana Bafana" ont toutes les peines du monde á rééditer leur exploit. Pis, ils dégringolent depuis, Can après Can, passant de finalistes en 98 au Burkina, á demi-finalistes en 2000 au Ghana, avant d’être sortis dès les étapes précédentes lors des éditions suivantes. Et ce n’est pas la piètre élimination au premier tour, cette année en Egypte qui permet d’augurer d’un réveil salutaire.

Alors, il reviendra á tous les autres qualifiés africains la responsabilité de hisser haut dans le ciel mondial, les couleurs du continent. ’

Lors du Mondial allemand, qui s’est achevé hier, on a guetté une étincelle annonciatrice du grand feu africain, dans quatre ans en Afrique du Sud. On a attendu pour rien, on n’a rien vu jaillir. La Côte d’Ivoire, le Togo et l’Angola, pour leur première apparition au plus haut niveau et la Tunisie, malgré une quatrième participation, ont été assez tendres et ont quitté l’épreuve dès le premier tour. Seul le Ghana était passé en huitième, se faisant sortir par le Brésil. Donc pas un quart de finaliste africain á l’image du Sénégal, il y a quatre ans ou du Cameroun en 90.

Pourtant de l’avis de nombre de spécialistes, cette Coupe du monde a un niveau de jeu qui aurait permis á des équipes comme le Sénégal, le Cameroun et le

Nigeria de frapper un grand coup. Mais ils n’ont á s’en prendre qu’à eux-mêmes d’avoir laissé la qualification, respectivement au Togo, á la Côte d’Ivoire et á l’Angola. Dans quatre ans, en Afrique du Sud, ça risque d’être plus compliqué avec des Allemands et des Néerlandais qui seront arrivés á maturité, avec des Brésiliens toujours favoris même s’ils n’arrivent pas à tous les coups au bout, des Argentins et des Espagnols revanchards, etc.

Mais, peut-être, moins que de s’imposer (ce qui serait le plus gros coup de l’histoire du football mondial), il sera demandé á l’Afrique du Sud de bien

réussir son organisation. Histoire de prouver que l’Afrique ne méritait pas d’attendre 80 ans pour accueillir le Mondial et qu’elle mérite d’abriter ... les JO, en attendant que son tour revienne 20 ans plus tard. Et si, dans le même temps, une équipe africaine s’invite pour la première fois en demi-finale, ce sera un bonus extraordinaire. Et si, (rêvons toujours), une équipe africaine s’impose au finish, comme les Européens l’ont toujours fait chez eux (exception faite de l’édition de 58 remportée en Suède par le Brésil) et les Américains aussi, l’histoire n’en serait que plus belle. Et Thabo Mbeki aurait eu raison d’avoir pronostiqué, un jour á Berlin, que son pays organiserait le Mondial le plus réussi qui ait jamais été disputé.

B. KHALIFA NDIAYE (ENVOYE SPECIAL)