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 Lhassa : nettoyage ethnique à la chinoise

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Faj
Âme Sentimentale qui se lie à l'Anatolie
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MessageSujet: Lhassa : nettoyage ethnique à la chinoise   Lhassa : nettoyage ethnique à la chinoise EmptyMar 23 Mai - 15:23

Lhassa : nettoyage ethnique à la chinoise

Le président chinois Jiang Zemin vient d'être accueilli avec des égards exceptionnels par Jacques Chirac. Son régime continue pourtant de violer massivement les droits de l'homme et poursuit, dans l'Himalaya, une colonisation qui transforme les Tibétains en citoyens de seconde zone sur leur propre terre

La ferveur, comme toujours, est au rendez-vous à l'office du soir au Jokhang, le sanctuaire le plus sacré de la foi tibétaine. Une soixantaine de moines, assis en tailleur dans les travées du vaste hall, psalmodient sous l'oeil de deux statues géantes. Derrière, dans l'oratoire illuminé, la fumée d'encens et de beurre voile le regard du saint des saints, le Jowo, dont l'effigie veille l'âme du Tibet. Ou ce qu'il en reste. « Qu'il revienne, qu'il vive longtemps, Tenzin Gyatso, l'espoir du Pays des Neiges. » Quarante ans d'exil n'ont pas suffi à faire oublier le dalaï-lama sur ses terres. Mais, aujourd'hui, prononcer ouvertement son nom peut valoir les pires ennuis. Alors les Tibétains trompent les oreilles ennemies en utilisant son nom monastique ou l'un de ses nombreux titres lorsqu'ils prient pour son retour. Reconnaîtrait-il, s'il revenait, la ville qu'il a quittée en cette nuit de mars 1959, quand l'armée de Mao s'apprêtait à noyer dans le sang le soulèvement d'un peuple qui réclamait la fin de l'occupation ? Car Lhassa est méconnaissable. Et le changement s'accompagne de la destruction systématique de tout ce qui faisait la culture, le mode de vie des Tibétains. Dans les nouveaux quartiers, où les immeubles de verre et de béton sont décorés de carrelages pour salles de bains, on se croirait n'importe où en Chine mais certainement pas à Lhassa. Il n'y a d'ailleurs pas un seul Tibétain à l'horizon. Sauf sur les panneaux qui ordonnent, aux carrefours : « Soyez des citoyens civilisés et bâtissez une ville civilisée. » Est-ce, aux yeux des Chinois, « bâtir une ville civilisée » que d'ériger systématiquement des latrines publiques à proximité des monastères, comme c'est actuellement le cas à quelques dizaines de mètres de la place du Potala, le « palais-montagne » qui domine Lhassa depuis plus de trois siècles ? Il y aurait aujourd'hui, dit-on, trois ou quatre colons chinois pour un autochtone au Tibet. Les chiffres officiels semblent confirmer cette rumeur. Alors que Lhassa comptait 50 000 résidents en 1984, dont quelque 3 000 fonctionnaires chinois, la population actuelle atteindrait 400 000 personnes... dont seulement 50 000 Tibétains. Dans les nouveaux quartiers, les enseignes sont rédigées en chinois, les habitants parlent chinois et les fumets sont ceux du Sichuan ou du Yunnan. Devant les gargotes, de très jeunes filles tricotent, en attendant le soir et le client. Discos et karaokés allument leurs néons dès l'après-midi. De l'autre côté de la rivière, sur l'île où les gens de Lhassa aimaient naguère pique-niquer, maisons de passe et maisons de jeux sont ouvertes 24 heures sur 24. Mais le soir ou la nuit, personne n'ose s'aventurer seul dans ce quartier où les querelles se règlent au couteau et au pistolet à silencieux. Tenaces, les Tibétains s'accrochent. Comme des ombres, ils refont inlassablement les itinéraires ancestraux dont ils gardent la mémoire. Mais les grands monastères proches de la ville ont perdu une bonne partie de leurs effectifs en raison de la « campagne de rééducation patriotique », les moines étant souvent remplacés par des indicateurs portant la robe. Même les petits sanctuaires tranquilles des villages ne sont plus à l'abri : dans l'un d'eux, une demi-douzaine de moines ­ sur une vingtaine ­ ont été arrêtés lors d'opérations préventives de nettoyage avant les festivités du cinquantenaire de la République populaire. Captées à grands risques, les radios étrangères entretiennent une lueur d'espoir ­ ou quelques illusions ­ de l'autre côté du rempart himalayen : « Après le Kosovo et le Timor-Oriental, peut-être que les dirigeants des affaires du monde se souviendront enfin du Tibet », murmure l'un de nos interlocuteurs, tandis qu'un autre ajoute : « Les Américains ont payé le prix fort pour les trois morts de l'ambassade de Chine à Belgrade. Et nous, qui nous dédommagera pour nos milliers de victimes ? Faut-il faire sauter des bombes pour nous faire entendre ? Le nettoyage ethnique, pour vous, c'est seulement les Balkans ou l'Indonésie ? » En dehors des villes, la situation n'est guère meilleure. Ainsi, près du monastère de Tsurphu, dans une vallée pastorale naguère entièrement tibétaine, on peut voir, le long de la grand-route, les premiers colons chinois en train de construire des baraques en bois. Conséquence de la scolarisation obligatoire en chinois, les enfants des villages avoisinants commencent à saluer plutôt en chinois qu'en tibétain. Des écoles neuves ont surgi partout. Le plus souvent, le bâtiment voisin est une caserne. Plus loin de la capitale, dans les marches tibétaines désormais administrativement rattachées aux provinces chinoises adjacentes, commencent à apparaître des « réserves » de Tibétains. Comme il y a des réserves indiennes aux Etats-Unis. Ainsi, au bord du lac Koukou Nor, dans le Qinghai, des tentes tibétaines ont été dressées dans un enclos délimité par du fil de fer barbelé. Quelques Tibétains y vivent. Quand passent des touristes, plutôt rares et surtout chinois, ils interrompent leurs travaux et vont se déguiser, c'est-à-dire enfiler sur leurs vêtements courants des habits supposés à la mode tibétaine pour servir aux visiteurs le thé au beurre accompagné de tsampa ­ la farine d'orge qui constitue la base de la nourriture locale ­ sur un fond de « musique tibétaine » diffusée par un lecteur de cassettes. Même constat du côté du grand monastère de Labrang, dans le Gansu, où les chevaux et les yacks des nomades sont désormais enfermés derrière des barbelés. Les bêtes, comme les hommes, sont en voie de sédentarisation forcée. C'est en ces termes que se pose la question du « développement » du Tibet, de son avenir. Même si les officiels chinois ne cessent de répéter qu'ils ont construit des routes, apporté l'hygiène et l'éducation sur les hauts plateaux, une chose est claire : les transferts de population chinoise transforment les Tibétains en citoyens de seconde zone sur leur propre terre. Une part du patrimoine de l'humanité meurt à petit feu. D'autant qu'à cette mutation ethnique autoritaire s'ajoute une nette tendance à la « folklorisation » de la culture tibétaine. A la télévision chinoise, les paysages et les symboles religieux tibétains servent de décor à des clips de chanteurs chinois. Dans les émissions consacrées aux réalisations du régime, des Tibétains et des Tibétaines tout sourire font de la figuration dans leurs plus beaux atours. Quant au Potala, il sert de label à la bière et à l'eau minérale du cru... Une civilisation, un peuple, sont en voie de disparition. Les Tibétains en ont conscience. Des gestes de courage et de désespoir le montrent. Fin août, un jeune ouvrier du bâtiment a coupé la corde qui retient le drapeau de la République populaire de Chine au sommet du mât dressé devant le Potala et tenté de hisser, à la place, les couleurs tibétaines. Aussitôt repéré, il a été passé à tabac par les policiers et les soldats, avant d'être mis au secret à l'hôpital militaire où il est mort, il y a deux semaines.

C. B. L. (*) Claude B. Levenson a consacré une dizaine d'ouvrages au Tibet dont « la Messagère du Tibet » (Picquier) et « le Dalaï-Lama, naissance d'un destin » (Autrement).
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