Je sais que le risque est réel et majeur envers les supporters et joueurs, mais encore ce
syndrôme de l'image, qui sous-entend que ce problème de racisme est moins grave quand il s'agit d'individus non médiatisés
S'il y a des candidats pour assister aux matches, faites un peu attention svp.
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Ces agressions racistes que l'Allemagne ne veut pas voir
A la veille de la Coupe du monde, la xénophobie en ex-RDA gêne le pouvoir.
par Odile BENYAHIA-KOUIDER
QUOTIDIEN : lundi 22 mai 2006
Berlin de notre correspondante
Tétanisés à l'idée que l'on donne une mauvaise image de leur pays à trois semaines de l'ouverture de la Coupe du monde de football, les hommes politiques allemands ont longtemps minimisé les faits. Aujourd'hui, ils ne peuvent plus fermer les yeux. Beaucoup, comme le député européen vert Cem ÷zdemir, d'origine turque, ou le député SPD Sebastian Edathy, d'origine indienne, n'hésitent plus à parler publiquement de l'existence de «zones interdites» pour les étrangers.
«Ecarts de langage». Le 9 janvier, il y a eu le cas de ce jeune Ethiopien de 12 ans, tabassé pendant deux heures à Pömmelte, en ex-Allemagne de l'Est. Deux mois plus tard, un ressortissant de la Côte-d'Ivoire a été grièvement blessé dans le centre-ville de Halle. Encore en ex-RDA. Et il y a eu la violente agression, le 16 avril à Potsdam, contre Ermyas M., un ingénieur allemand d'origine éthiopienne âgé de 37 ans, resté quinze jours dans le coma. Le 20 avril, un travailleur social originaire du Mozambique et son fils se sont fait agresser par un groupe de jeunes d'extrême droite à Magdebourg. Vendredi soir, c'est un député PDS (néocommuniste) du parlement régional de Berlin d'origine kurde, Giyasettin Sayan, qui s'est fait attaquer. C'est le sixième attentat raciste grave recensé depuis janvier en ex-RDA.
Le débat sur le racisme à l'Est a pris une nouvelle ampleur, mercredi, quand Uwe-Karsten Heye, ancien porte-parole de l'ex-chancelier social-démocrate (SPD), a déclaré :
«Je ne conseillerais à personne d'aller dans une petite ou moyenne ville du Brandebourg s'il a une couleur de peau différente. Il se pourrait qu'il n'en revienne pas vivant.». Le ministre de l'Intérieur CDU, Wolfgang Schäuble, a stigmatisé ces «raccourcis». Certes, selon les chiffres de l'Office de la protection de la Constitution publiés la semaine dernière, les actes de violence de groupes d'extrême droite dans le Brandebourg restent stables. Ainsi, 105 cas ont été dénombrés en 2004. Soit autant qu'en Rhénanie-du-Nord-Westphalie. Sauf que ce Land de l'Ouest est sept fois plus peuplé que le Brandebourg. L'Office dénombre 4,08 actes de violence d'extrême droite pour 100 000 personnes en Brandebourg, 2,81 en Saxe-Anhalt, 2,2 en Saxe. Seule consolation,
Berlin se place très en deçà du reste de l'Allemagne de l'Est avec 1,65 agression pour 100 000 habitants. Les chiffres pour 2005, qui doivent être présentés aujourd'hui, indiquent une nette augmentation des agissements néonazis. «A Berlin, nous combattons ce phénomène, insiste le sénateur de l'intérieur Ehrhart Körting. En 2005, nous avons recensé 18 cas d'agressions racistes. Ce sont 18 cas de trop. Mais on ne peut pas affirmer qu'il y ait à Berlin un seul mètre carré où des étrangers ne puissent se rendre.» Ce n'est pas du tout l'avis du Conseil des Africains (Afrika Rat), qui a pour sa part recensé 110 actes d'agression en 2005.
«Beaucoup d'Africains ont peur de déposer plainte ou sont en situation illégale», explique Moctar Kamara, porte-parole de l'organisation qui compte publier, cette semaine, un livre blanc des lieux jugés trop dangereux pour les touristes de couleur durant le Mondial. Contrairement aux juifs ou aux musulmans, la communauté noire de Berlin n'avait pas, jusqu'alors, de véritable fédération capable d'interpeller les politiciens. L'attentat raciste perpétré à Potsdam contre Ermyas M., d'origine éthiopienne, a poussé 25 associations africaines à se regrouper.
«Nous avons été assommés par les faits et stupéfaits des tentatives des politiques pour les minimiser», explique Moctar. Pour le parquet fédéral, le caractère xénophobe de l'attaque ne fait pourtant aucun doute : des insultes racistes («sale nègre») ont été enregistrées sur le répondeur téléphonique de l'épouse d'Ermyas au moment où il se faisait agresser. Très en colère, la communauté noire a aussi appris avec dépit, la semaine dernière, que le parquet n'avait toujours pas admis la plainte de la famille d'Oury Jallow, un demandeur d'asile retrouvé brûlé dans sa prison de Dessau, alors que deux policiers sont soupçonnés de l'avoir roué de coups.
Passé nazi. C'est déjà dans cette ville de l'Est qu'un autre demandeur d'asile, Antonio Amadeu, avait été assassiné en 1991 par des néonazis. Après la réunification, cette poussée d'extrême droite chez les jeunes Ossies (Allemands de l'Est) avait soulevé l'indignation de leurs voisins de l'Ouest. Le racisme antinoir existait déjà du temps de l'ex-RDA, où les camarades des pays frères étaient parqués dans des cités quasi interdites.
«Il n'y a pas eu de travail sur le passé nazi en ex-RDA, explique Anetta Kahane, directrice de la fondation Antonio Amadeu, qui éduque les élèves des nouveaux Länder sur le racisme. L'Holocauste était, au mieux, traité comme une question idéologique. Les citoyens est-allemands ont été exonérés de toute responsabilité, puisque tous les maux provenaient du capitalisme.» A quoi s'ajoute la frustration de laissés-pour-compte. A l'Est, le taux de chômage dépasse 20 %.