Tout est illuminé

TOUT EST ILLUMINEUn film de Liev Schreiber
Avec Elijah Wood, Eugene Hutz, Boris Leskin, Larissa Lauret
Durée : 1h42
Sortie le 14 décembre 2005

Jonathan, un jeune Juif américain, décide de se rendre en Ukraine afin de retrouver la femme qui a sauvé son grand-père pendant l'invasion nazie. Pour cela, il fait appel aux services d'une famille dont le business est d'aider des Juifs étrangers à retrouver la trace de leurs ancêtres. Jonathan part ainsi en compagnie d'Alex, une jeune homme de quelques années son aîné, et du grand père de celui-ci pour un long voyage qui va bouleverser leur vie…

Adapté du roman éponyme de Jonathan Safran Foer, Tout est Illuminé part d'une simple photo, celle que Jonathan reçoit de sa grand-mère avant le décès de celle-ci et qui montre son grand père en compagnie d'une mystérieuse femme du nom de Augustine. De cette photo va naître une quête qui conduira Jonathan (Elijah Wood) jusqu'en Ukraine où il s'embarquera dans un voyage physique mais aussi intérieur. Malgré la gravité des évènements vers lesquels le récit nous mène, les premières scènes abordent les personnages hauts en couleur qui peuplent le film sous l'angle de la dérision. Jonathan est ainsi décrit comme un jeune homme crispé aux habitudes étranges de collectionneur et surtout animé par des idées fixes. A l'autre bout de la Terre, une famille d'Ukrainiens fantaisistes gagne sa vie en accompagnant la quête de Juifs étrangers désireux de retrouver la trace de leurs ancêtres. Comme on l'aura deviné, c'est grâce à cette famille, et plus précisément au fils Alex (Eugene Hutz) et à son grand-père (Boris Leskin), que Jonathan va accomplir sa quête. S'ensuit alors la partie la plus drôle du film, celle qui révèle au grand jour le décalage culturel entre Américains et Ukrainiens. Ce décalage se traduit par des situations insolites, parfois hilarantes, dont l'une des perles reste la scène du repas et plus particulièrement le moment où Jonathan annonce qu'il est végétarien. La stupéfaction des Ukrainiens révèle alors avec humour une dure réalité, à savoir le fossé économique qui sépare les deux pays.

Si Tout est Illuminé prend des allures de comédie décalée, c'est avec une grande subtilité que ce road-movie va glisser, sans qu'on l'ait vraiment vu venir, vers le drame. Ce passage s'effectue tout en douceur, sans effusion excessive de larmes, et les émotions qui vont poindre seront davantage exprimées par l'association des images et des sons que par les paroles, ce qui ne leur donne que plus de profondeur. Les dialogues seront d'ailleurs largement en retrait lors des moments les plus forts du film, la musique participant en revanche pleinement à la narration. Ainsi, avec ce mélange de pudeur et de puissance émotionnelle, Tout est Illuminé évoque le nazisme et ses ravages à travers le destin d'une personne mais aussi l'impact d'un évènement sur le long terme. Tout est Illuminé suit le parcours de trois personnages liés par un drame du passé et que ce voyage va transformer à jamais. Si Jonathan est l'initiateur du voyage, il n'est à l'arrivé plus seulement sujet mais aussi témoin, il devient notre regard sur les deux autres hommes. Tout est Illuminé est aussi l'histoire d'un vieil homme qui transmet son histoire à son petit fils, une transmission douloureuse mais peut-être nécessaire pour que ce dernier puisse aller de l'avant.

Liev Schreiber commence par filmer ses personnages avec un mélange de dérision et de tendresse puis avec une grande humanité en insistant notamment beaucoup sur les regards. Tout est Illuminé est d'ailleurs marqué par de belles performances d'acteurs, parmi lesquelles celle de Boris Leskin, dans le rôle du grand père d'Alex, brille par son intensité. De leur côté, Eugene Hutz (Alex) et Elijah Wood l'accompagnent tour à tour avec la fantaisie propre à leur personnage respectif et la gravité de mise dans les scènes dramatiques. Tout est Illuminé trahit tout de même quelques longueurs, qui s'expliquent par un léger ralentissement du rythme du film dans sa deuxième partie. Mais on ne se lasse pas du décor dépaysant dans lequel évoluent les personnages, un décor que le film exploite merveilleusement bien en saisissant les couleurs locales et en nous laissant entendre – chose rare dans un film américain – la musique du pays.

Tour à tour drôle et tragique, absurde et profond, Tout est Illuminé fait partie des films qui prennent beaucoup de valeur avec le temps, à mesure que mûrissent les sentiments suscités par les images et les sons, et il est difficile de rester insensible à cette histoire humaine. Pour son premier long métrage, Liev Schreiber signe une oeuvre attachante, très maîtrisée, qui révèle un talent prometteur.

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