Sept bébés vendus par des Bulgares à des couples «adoptifs» ont été retrouvés mardi matin en région parisienne et en province par la police judiciaire de Paris et les gendarmes de Rennes qui ont placé en garde à vue les quatorze acheteurs. Ces acquéreurs de nouveaux-nés, tous issus de la communauté du voyage, ont dû payer «5.000 euros s'il s'agit d'une fille, 6.000 euros pour un garçon», selon un enquêteur. Les mères biologiques, «souvent prostituées et en situation de misère» n'ont touché que 400 à 2.000 euros chacune pour livrer leurs bébés aux rabatteurs chargés de les écouler.
Les acheteurs supposés habitent en Seine-Saint-Denis, dans le Nord, le Var et le Centre de la France. Gitans sédentarisés en mal d'enfants, ces couples ont bien traité les bébés de 18 mois environ tous retrouvés en bonne santé. Un juge des enfants du tribunal de Bobigny doit désormais décider de leur sort. Il peut soit ordonner leur placement, avec ou sans droit de visite pour les parents adoptifs, soit leur en confier la garde, avec une obligation de suivi éducatif.
Ce trafic de bébés d'Europe de l'Est a été mis au jour en juillet 2004. L'enquête de l'office central pour la répression du trafic des êtres humains (OCRTEH) a démarré à la suite d'une plainte, pour enlèvement de son enfant, d'une jeune Bulgare de 25 ans. Celle-ci raconte au départ que des compatriotes lui auraient proposé d'acheter son bébé avant l'accouchement puis, face à son refus, le lui aurait kidnappé.
Intrigués par le fait qu'elle ait attendu deux mois pour signaler le rapt, les enquêteurs croient plutôt à une transaction ratée. Ils explorent les registres d'état civil de la mairie du XIXe arrondissement de Paris. Ils découvrent que le bébé disparu a été reconnu par un homme d'origine portugaise. Ils localisent cet usurpateur à Montreuil (Seine-Saint-Denis) et le placent sur écoute. Ils repèrent une autre jeune Bulgare enceinte qui habite dans un squat au Blanc-Mesnil.
Ils observent alors le réseau qui s'organise autour d'elle. Ils interceptent des conversations téléphoniques entre la future mère, les marchands de bébés et acheteurs potentiels. Ils interpellent tout le monde, dix personnes, le 20 juillet 2004, à la sortie de l'hôpital Robert-Debré à Paris où la Bulgare vient d'accoucher, comme la première. Ils apprennent que le nourrisson a été payé par un couple de nomades alors installé dans un camp à Chartres (Eure-et-Loire).
Ils démontent ainsi le trafic d'une famille bulgare tzigane originaire des bords de la Mer Noire qui recrutait dans sa région «des jeunes femmes enceintes, tziganes elles aussi, et de condition très modestes» selon un enquêteur puis les transféraient en France. Elles se présentaient au dernier moment aux urgences de l'hôpital pour accoucher. Soit sous leur vrai nom puis l'acquéreur allait aussitôt en mairie reconnaître l'enfant. Soit sous l'identité de la mère «adoptive».
Neuf hommes et femmes avaient déjà été mis en examen voilà plus d'un an pour «atteinte à la filiation et à l'état civil», «provocation à l'abandon d'enfant» et, pour les têtes du réseau, «traite d'êtres humains en bande organisée», un crime passible des assises. Le juge d'instruction de Bobigny décidera de l'avenir des sept couples acheteurs interpellés mercredi.
source: http://www.liberation.fr/page.php?Article=331912