Mercredi 28 septembre 2005
Le dictionnaire Ricci, héritage de l'aventure jésuite en Chine
SHANGHAI (AFP) -
Six volumes de 1.216 pages chacun, 13.500 mots chinois, 300.000 expressions: le plus grand dictionnaire chinois-français jamais réalisé, fruit du travail titanesque des jésuites, arrive en Chine plus de 50 ans après l'expulsion de la Compagnie de Jésus par le régime communiste.
Surnommé le "Grand Ricci", du nom du missionnaire italien du 16e siècle Mattéo Ricci qui parlait couramment le mandarin et s'habillait comme les lettrés de l'empire, cet ouvrage colossal est exposé pour la première fois en Chine pendant dix jours à la bibliothèque de Shanghaï, dans le cadre des événements organisés pour la clôture de l'Année de la France en Chine.
"C'est la plus grande encyclopédie du chinois vers une langue occidentale", indique Véronique Cheynet-Cluzel, vice-présidente de l'association Ricci, chargée de la promotion du dictionnaire.
Cette aventure savante remonte à plusieurs siècles, puisque l'ouvrage se base sur de précédents lexiques et dictionnaires, élaborés la plupart par des religieux férus de Chine. Il y eut le dictionnaire, achevé en 1626, de Nicolas Trigault, historiographe de la mission de Ricci, puis d'autres rédigés aux 19e et 20e siècles.
L'histoire se poursuit en
1949, lorsqu'un jésuite hongrois, Eugène Zsamar, entreprend de mettre en oeuvre un dictionnaire à caractère encyclopédique entre le chinois et cinq langues (français, anglais, hongrois, latin et espagnol).
Finalement, le projet finit par se concentrer sur le français . Un travail titanesque de collecte de données se met alors en place à partir de 1952 à Taiwan, mené par des frères jésuites et des chercheurs associés.
L'exposition de la bibliothèque de Shanghai en retrace l'histoire. Une vingtaine de jésuites tout d'abord ont rassemblé près de deux millions de coupures de dictionnaires collées sur fiches cartonnées, dont certaines sont exposées dans la plus grande ville de Chine.
Quelque 180.000 d'entre elles seront sélectionnées pour mettre au point les "tapuscrits". D'importants volumes où les pages de gauche sont noircies de caractères chinois reproduits à la main et les pages de droite, tapées à la machine donnent leur transcription phonétique et leur traduction.
Plus qu'un dictionnaire, cet ouvrage cherche à donner les outils pour "la compréhension de la culture et de la langue chinoise ", affirme Claude Haberer, président de l'association Ricci.
Un "petit" dictionnaire (6.000 caractères, 50.000 expressions) a vu le jour en 1976, suivi d'un dictionnaire intermédiaire fin 1999 avant la publication du "Grand Ricci" en 2002 grâce au mécénat.
"Sans les sponsors nous ne serions pas là", asssure Mme Cheynet-Cluzel.
Près de 200 personnes au total auront participé à l'élaboration des six tomes publiés en France. Le Grand Dictionnaire de la Langue Chinoise sera bientôt disponible dans les librairies chinoises. "L'octroi des licences d'importation est en cours, mais ces démarches prennent toujours du temps", dit M. Haberer.
Pour 700 euros, les Chinois pourront acquérir cette oeuvre héritée des jésuites. Et un dictionnaire à l'usage des Chinois sera édité par la maison d'édition chinoise Shangwu en 2006.
Côté français, plusieurs dictionnaires thématiques verront le jour dans les années à venir. Deuxième projet d'envergure : le dictionnaire perpétuel. Cette version informatisée, disponible sur CD-Rom permettra de mettre régulièrement à jour le "Grand Ricci".
Surnommé le "Grand Ricci", du nom du missionnaire italien du 16e siècle Mattéo Ricci qui parlait couramment le mandarin et s'habillait comme les lettrés de l'empire, cet ouvrage colossal est exposé pour la première fois en Chine pendant dix jours à la bibliothèque de Shanghai, dans le cadre des événements organisés pour la clôture de l'Année de la France en Chine.